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LE MARAIS

Le Horla, Guy de Maupassant, Amour, Gil Blas, 7 décembre 1886​​​​

Le marais, c’est un monde entier sur la terre, monde différent, qui a sa vie propre, ses habitants sédentaires, et ses voyageurs de passage, ses voix, ses bruits et son mystère surtout. Rien n’est plus troublant, plus inquiétant, plus effrayant, parfois, qu’un marécage. Pourquoi cette peur qui plane sur ces plaines basses couvertes d’eau ? Sont-ce les vagues rumeurs des roseaux, les étranges feux follets, le silence profond qui les enveloppe dans les nuits calmes, ou bien les brumes bizarres, qui traînent sur les joncs comme des robes de mortes, ou bien encore l’imperceptible clapotement, si léger, si doux, et plus terrifiant parfois que le canon des hommes ou que le tonnerre du ciel, qui fait ressembler les marais à des pays de rêve, à des pays redoutables, cachant un secret inconnaissable et dangereux.


Non. Autre chose s’en dégage un autre mystère, plus profond, plus grave, flotte dans les brouillards épais, le mystère même de la création peut être ! Car n’est ce pas dans l’eau stagnante et fangeuse, dans la lourde humidité des terres mouillées sous la chaleur du soleil, que remua, que vibra, que s’ouvrit, au jour le premier germe de vie ?

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